Dans les coulisses de la vie d’une thérapeute
Cri du coeur, cri du corps
Ça, c’était moi il y a quelques semaines… Un corps en souffrance, recouvert de plaques rouges, brûlantes et irritantes…

C’était aussi un mental et un cœur malheureux… l’envie d’hurler ce ras-le-bol de tout, de gratter jusqu’au sang cette peau attaquée, d’arracher un à un ces organes douloureux… de les extraire de ce véhicule terrestre si mal en point… de vouloir que tout s’arrête… pas pour mourir mais juste pour arrêter de souffrir…
Derrière un sourire, une voix douce et des paroles réconfortantes se cache parfois une réalité peu reluisante. Et parce que j’en ai assez de cette bienséance hypocrite qui consiste à ne publier sur les réseaux que les photos les plus valorisantes, les expériences les plus belles mais rarement à montrer l’envers du décor et une réalité toute autre… j’ai décidé de faire ce post !
Ce post qui met mes sens en alerte… ce post qui me sort de ma zone de confort… Parce que je parle peu de ma vie privée comme d’autres (y compris thérapeutes) peuvent le faire. Parce que lorsque l’on dédie sa vie à aider les autres, une sorte de « règle implicite » impose que l’on soit toujours au top, solide et fort !
Alors au diable la bienséance, j’ai choisi de déposer ça là… et d’utiliser les mots pour soigner les maux…
Alors oui, parce que j’ai décidé très jeune d’entamer un travail sur moi-même, j’ai acquis au fil des années des outils que je parviens parfois à utiliser pour et sur moi-même.
Mais pas toujours…. Le cordonnier le plus chaussé, vous connaissez ?!
Et puis en novembre dernier, comme vous ….l’accumulation de stress, de fatigue, de mauvaises nouvelles…
Comme vous, la remontée de vieilles souffrances, le sentiment d’être submergée par la douleur, les émotions…
Comme vous, le corps qui s’est mis à parler… plus fort et plus souvent que d’habitude.
Comme vous, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase…
Et puis plus rien… le silence, des séances reportées, un corps et un cœur meurtris, blottis sous la couette, envie d’ailleurs, envie de rien, l’effondrement intérieur et extérieur… des symptômes à n’en plus finir… des douleurs à se tordre et se rouler par terre… des plaintes… des larmes…
Mais … pourquoi ?
Parce qu’une fois de plus, j’ai tiré et tiré encore sur cette corde en oubliant qu’elle avait une fin… Parce qu’une fois encore, j’ai puisé dans mes dernières ressources pour être là, répondre aux attentes de chacun.e. Parce qu’une nouvelle fois, je me suis oubliée en chemin à trop vouloir penser aux autres…
Parce que dans l’inconscient collectif, il y a cette croyance dont on ne parle pas ouvertement qu’un thérapeute doit être « invincible », à la hauteur et résistant à toute épreuve…
Parce qu’à plusieurs reprises, j’ai entendu certain.es dire qu’un thérapeute ne pouvait être légitime que s’il avait tout réglé dans sa vie, belle utopie, belle illusion ! (Désolé, je ne m’appelle pas Bouddha et à ce jour, je n’en ai pas encore rencontré !)
Parce que mon syndrome du sauveur me pousse parfois (souvent) à vouloir aider la terre entière (pas sauver, aider… c’est déjà une belle avancée !) et qu’il m’arrive d’être envahie par la culpabilité de ne pas pouvoir le faire…
Parce qu’à travers des mots et parfois des silences, des reproches déguisés ou des attentes qui m’étouffent, je finis de temps à autre par penser que je ne suis pas « assez » ; assez présente, assez bonne amie, assez disponible, assez à l’écoute, assez, assez, assez…
Parce que je suis humaine et que comme vous, j’ai mes propres limites, mes propres blessures, mes propres problèmes, mes propres crises de vie…
Parce que je n’assume pas et ne parviens pas toujours à mettre des mots sur la grande sensibilité qui m’habite, la vulnérabilité et la fragilité qui m’animent…
Parce qu’en tête à tête comme en groupe, je capte et ressens silencieusement vos angoisses, vos émotions, vos pensées et que je ne sais pas toujours quoi faire de tout cela sans rentrer dans votre intimité et prendre le risque de vous heurter…
Parce que j’ai parfois le sentiment de ne pas avoir le droit à l’erreur…
Parce que je suis une fucking perfectionniste jusqu’au-boutiste…
Parce que derrière le costume de « Xena la guerrière » (surnom que plusieurs m’ont attribué naturellement au cours de ma vie sans savoir qu’elle était mon héroïne étant gamine) se cache une hypersensible parfois débordée par toutes ces informations captées dans le visible et l’invisible…
Parce que lorsque je ressens une dépendance d’un tiers vis-à-vis de moi (vie pro & perso), une partie de moi aime se sentir utile tandis qu’une autre a envie d’hurler que je ne suis pas indispensable, que je ne veux pas que l’on s’accroche à moi et que l’on fasse peser le poids des attentes sur mes épaules…
Parce que j’ai beau être une éternelle optimiste et avoir confiance en la capacité à évoluer de l’être humain, que j’ai beau observer autour de moi chaque jour de grandes et belles avancées dans ce monde, je suis parfois atterrée par tant de bêtises, de mensonges, de corruptions, de cruauté…
Parce que je vis dans un système qui, s’il comporte certes des avantages, fait que si moi, petite auto-entrepreneure je devais m’arrêter quelques semaines ou quelques mois pour souffler, me recentrer, prendre une grande et longue inspiration je n’aurais droit à rien, ni chômage ni aides quelconques (ou tellement dérisoires que je n’en parle même pas)… Alors, en selle, il faut repartir quoi qu’il en soit …
Parce que comme tout le monde j’ai connu des galères, des traumas qui ont ponctué une vie aussi belle que laborieuse, et qui re-pointent le bout de leur nez comme pour m’obliger à faire un bilan, à me replonger dans les méandres de mon inconscient et de mes souffrances passées…
Parce qu’au cours des deux dernières années (et pour ne s’en tenir qu’au niveau de la santé), j’ai été opérée du cerveau, j’ai fait une fausse couche puis appris dans la foulée que j’étais atteinte d’une maladie chronique et parfois invalidante et que, finalement, je n’ai pas pris le temps d’intégrer tout ça et je suis repartie au galop…
Parce que souvent je me réfugie dans un travail que j’aime et qui me passionne tout autant qu’il me pèse aussi parfois…
Parce que l’algorithme des réseaux et cette p*****de société connectée H24 nous rappelle sans cesse qu’il nous faut être présent. Publier. Obtenir des likes. Publier encore. Etre constant. Ne jamais prendre de pause au risque de disparaître dans la masse. Alors chaque semaine il faut faire preuve d’imagination, aller puiser dans ses connaissances et ses ressources pour créer. Ne pas perdre le fil. Et conserver la qualité. Mais dans mon être profond bien des fois j’aimerais tout lâcher…. au moins un temps…. fermer mes comptes et juste revenir au moment présent. Ici. Maintenant. Loin des écrans…
Parce que tourner une vidéo, écrire un article, créer un post demande du temps. Derrière un mail ou un texte que vous lisez en quelques minutes, se cachent des heures de réflexion, de rédaction, de relecture, de doutes, d’envies, de reformulation et de recherches. Du temps que j’offre volontiers pour proposer du contenu gratuit, pour semer des graines, donner de l’espoir, continuer à accompagner chacun.e d’une autre manière. Mais qui est aussi du temps que je n’ai pas pour moi et qui me manque…
Alors je me ressaisis, parce que je suis comme ça. Forte et fragile à la fois. Guerrière et douce. Parfois éteinte et parfois vivante. Mais surtout, parce que la vie m’a prouvé à maintes reprises qu’il y a toujours de la lumière au bout du tunnel et que chaque phase douloureuse de notre vie promet toujours un cadeau au final. Parce que c’est grâce à des périodes de doutes, de ras-le-bol, de détresse et de désespoir que j’ai développé ma résilience, que j’ai appris et grandi. Parce que j’ai encore tout cet amour en moi à donner et à partager. Et le besoin aussi d’en recevoir. Parce que c’est moi. Parce que c’est la vie.
Je n’attends pas (surtout pas) de « oh ma pauvre », ni de complaisance. Ça n’est en aucun cas le but de mon propos. Mon objectif est en premier lieu purement égoïste car l’écriture est pour moi et depuis toujours une forme de thérapie. Ensuite, quant au fait de vous partager le fruit de mon inspiration, il est important, je trouve, de remettre les choses à leur place. Comme expliqué ci-dessus, j’entends trop souvent et ce depuis des années des croyances infondées sur ce que devrait être ou ne pas être la vie d’un thérapeute. Lassée de ces inepties (que certains thérapeutes renforcent aussi en ne montrant que la « vitrine » de leur vie), j’ai pris le parti de vous ouvrir un peu les coulisses de la vie d’une thérapeute lambda qui évolue dans ce « milieu » depuis un bon moment maintenant et en connaît les « secrets ». Au risque d’en décevoir certains, les thérapeutes connaissent aussi des états d’âmes ! C’est d’ailleurs ce qui nous permet chaque jour de vous accompagner, non pas de manière parfaite, mais au mieux, avec nos propres limites et vécus !
Alors d’ici que je vous retrouve pour partager de nouvelles aventures à vos côtés, je vais tâcher de prendre soin de moi, de reposer mon corps et mon esprit car j’en suis convaincue, les mois à venir nous réservent encore de (belles) surprises ! 😉
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