Ma belle résilience et son revers de médaille

Dans mes tripes :
« Lorsque les larmes coulent sur mes joues, que ma gorge se serre, que mon ventre se noue, que ma poitrine est comme écrasée par cette absence de reconnaissance de ma souffrance passée, j’entends en moi la petite fille qui hurle. Elle aimerait tout casser, se déchainer jusqu’à l’épuisement, crier « ce n’est pas juste ».
Parce que c’est vrai, après tout, ce n’est pas juste.
Ce n’était pas juste lorsque qu’un adulte censé être digne de confiance a abusé d’elle alors qu’elle n’était qu’une enfant sans défense.
Ce n’était pas juste lorsqu’à de nombreuses reprises cette petite fille, à tort ou à raison, s’est sentie rejetée, malaimée, incomprise, seule au monde.
Ce n’était pas juste lorsqu’elle a tant souffert dans ce corps physique à force de douleurs, de symptômes sans queue ni tête, de maladies démasquées puis de plus rien, de doutes, de peurs et d’incompréhensions.
Ce n’était pas juste non plus quand j’ai si longtemps snobé, bâillonné puis enfermé cette petite fille dans un placard à double tour pour ne plus être dérangée, essayer d’oublier.
Belle illusion ! Parce qu’elle est toujours là cette gamine que j’ai voulu faire taire, cette enfant sans qui j’ai essayé d’avancer en me prenant pour une grande. Elle est toujours là, en moi, et elle a des choses à dire, à vomir, à hurler, à pleurer et à aimer aussi.
La vérité m’éclate en pleine gueule, ce jour où, face à l’obstacle de trop, j’ai envie de tout envoyer balader et une voix en moi se met à hurler « putain, c’est pas juste ».
Waouh, c’est quoi la puissance de ce truc que je ressens à l’intérieur, comme un volcan prêt à exploser ? Bon ben, tant qu’à y être, je vais l’écouter. Vraiment cette fois. »
Dans ma tête :
En bonne résiliente que je suis, j’ai toujours eu tendance à encaisser les coups de la vie en me disant « c’est pas grave, ça me rendra plus forte ». Je tombe, me relève et reprends la course effrénée de ma vie.
Si cette résilience m’a sauvée, plus d’une fois, elle a aussi son revers de médaille… Parce que toutes ces fois où je n’ai tiré que le positif de mes épreuves, où je n’ai choisi que le verre à moitié plein, je n’ai pas pris en compte la part blessée en moi.
A quoi bon ? La partie « spirituelle », pleine de résilience et d’acceptation me permettait de continuer à avancer. Mieux même, elle m’a permis de pardonner, à la vie et aux humains qui avaient été à l’origine de ma souffrance.
Mais moi, la partie humaine qui a souffert dans sa chair et dans son cœur, qui m’a demandé pardon à moi ? Qui a pris le soin de dire à cette petite fille qui aujourd’hui hurle de n’avoir pas été entendue que oui, c’était injuste. Et que non, sur un plan « humain », on n’avait pas le droit de la traiter comme ça ou encore que ce qu’elle a traversé était difficile. Et que finalement, sur cette Terre, puisque c’est bien pour ça qu’on est là, pour vivre l’expérience de la matière, elle a été la victime. Victime du manque de conscience de certains, victime du manque d’amour d’autres et de leurs propres blessures. Et quoi qu’on en dise, sur un plan humain, ce n’était pas juste.
Ah ça y est, elle revient cette petite voix intérieure qui voudrait minimiser ce qui a été vécu « Oui mais les autres c’est pire ».
Réponse à moi-même : « Pourquoi voudrais-tu sans cesse te comparer aux autres ? C’est bien de toi dont il s’agit. Minimiser ce que tu as vécu, peu importe la nature de tes épreuves, revient à nier ta souffrance. Nous avons tous une gestion différente de la douleur, qu’elle soit physique ou émotionnelle alors il est vain de se dire que l’on a plus ou moins de raisons que les autres d’avoir mal ».
Et puis elle a aussi envie de me dire : « se reconnaître en tant que victime, c’est tomber dans la victimisation. Je ne veux pas devenir un Calimero qui fait de ses souffrances des excuses, qui se plaint et refuse d’avancer ».
Réponse à moi-même : « Je crois que pour beaucoup d’entre nous, c’est parce que personne, à commencer par nous-mêmes n’a VRAIMENT reconnu notre souffrance, en conscience et avec sincérité qu’il y autant de Calimero. C’est comme si cette partie non reconnue continuait à exister, à s’autoalimenter comme elle peut jusqu’à ce que quelqu’un la reconnaisse vraiment. Prenons l’exemple d’un procès ; il sera plus facile pour la victime de se reconstruire et d’avancer si la justice lui a donné gain de cause en punissant l’accusé. Il en va de même pour nos épreuves de vie mais il ne faut surtout pas négliger l’étape qui consiste à se reconnaitre soi-même comme victime de. Car cela permet d’envoyer de l’empathie à minima ou de l’amour à celui ou celle que nous avons été et qui a souffert ».
« Mais alors comment passe-t-on de « je reconnais ma souffrance » à « j’accepte cette épreuve » ?
Réponse à moi-même : « Et bien c’est là qu’entre en jeu la partie spirituelle ! Je crois aujourd’hui qu’une fois que la partie « incarnée », humaine a fait son job, la partie spirituelle ou divine en nous prend le relais. Vient alors la pleine conscience des émotions liées à l’épreuve, puis la résilience, c’est-à-dire la capacité à surmonter ce que l’on a vécu, à en tirer un apprentissage et enfin l’acceptation totale du choix de notre âme d’avoir placé cette épreuve sur notre chemin ».
En bonne rebelle bordélique que je suis, j’ai tout fait à l’envers. Surmonter des épreuves, en tirer du positif, pardonner, accepter ? Facile ! Mais reconnaître la réalité de ce qui se passe dans la matière alors que je refusais d’y être… c’est une autre histoire.
Alors merci à toi, petite fille d’être venue réveiller ma part de souffrance et d’avoir éclairé en moi cette évidence. Toi et moi avons du chemin à faire ensemble.
Merci à toi ma résilience pour ton soutien sans faille depuis toutes ces années. Laisse-moi désormais le temps d’intégrer dans la matière, ne te précipite pas à venir me « sauver » car j’ai besoin d’évaluer le « bon » comme le « moins bon » de chaque épreuve. Et puis tu me connais, je rebondirai toujours, même si c’est un peu plus tard.
Enfin, merci à toi, mon « humanité » de me permettre d’expérimenter la vulnérabilité. Car c’est elle qui me permet de devenir encore plus forte en me permettant d’apprendre chaque jour davantage.
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